Pour une lecture anthropologique du "Voyage dans la Matamonia d'Esagro Noroi", de Lucio Besana

"Un voyage dans la Matamonia d'Esagro Noroi »de Lucio Besana, contenu dans la collection "Histoires de la sĂ©rie pourpre" (Edizioni Hypnos 2021), accompagne le lecteur Ă  travers un pĂšlerinage aux connotations uchroniques, montrant les limites et les tensions du symbole, toutes deux donnĂ©es par sa dĂ©pendance aux processus de rĂ©ification naturelle et sacrĂ©e. L'histoire pousse Ă  l'extrĂȘme la symptomatologie destructrice du prĂ©sent, un rĂ©sidu des LumiĂšres qui tend Ă  dĂ©mystifier le pouvoir culturel d'un objet donnĂ©, redimensionnant ainsi la valeur et le potentiel de l'ĂȘtre humain.

di Stéphane Celant

Aller-retour : une brĂšve analyse

Un voyage dans la Matamonia d'Esagro Noroi est la premiĂšre histoire qui ouvre la collection de Histoires de la sĂ©rie Crimson di Lucio Besana (Éditions Hypnos 2021). Certes, le texte est anticipĂ© par PrĂ©lude. Le film de la chambre rouge, un poĂšme liminal, de quelques pages, qui prĂ©pare le lecteur Ă  leitmotiv prĂ©sent dans la plupart des rĂ©cits : l'occultation de la rĂ©alitĂ©, comprise par la psychologie lacanienne comme un existant objectif, suivant des processus itinĂ©rants, qui racontent une rĂ©alitĂ©, c'est-Ă -dire la perception subjective de l'existant, diffĂ©rente et Ă©loignĂ©e de la vĂ©ritĂ©.

In Un voyage dans la Matamonia d'Esagro Noroi la voix du narrateur est celle d'un moi anonyme, dont nous ne savons rien ou presque : probablement un employĂ© d'usine, qui suite Ă  la dĂ©cision d'ajouter un nouvelle couleur Ă  sa vie, il dĂ©cide de se lancer dans un voyage vers la patrie de J'exagĂšre Noroi. Les premiĂšres lignes mettent fugitivement en lumiĂšre un univers kafkaĂŻen, oĂč le « paquet de photocopies et de formulaires » mettre en Ɠuvre pour avoir toutes les informations d'identification pour le voyage, rappelez-vous l'infinie bureaucratie de Le processus; tandis que la rĂ©fĂ©rence fugitive Ă  l'utilisation d'un carte magnĂ©tique utilisĂ© pour acheter Ă  la fois le billet et dentifrice e papier toilette, veut nous redonner l'image d'un monde trĂšs proche du nĂŽtre, et dystopiquement proche. L'excursion Ă  Matamonia, dĂšs les premiĂšres pages, nous est prĂ©sentĂ©e comme un Ă©vĂ©nement exceptionnel, que seuls quelques privilĂ©giĂ©s sont autorisĂ©s Ă  entreprendre :

Quand j'ai dit Ă  mon voisin oĂč j'allais, il s'est immĂ©diatement vantĂ© d'y ĂȘtre allĂ© Ville itinĂ©rante, d'avoir assistĂ© Ă  une matinĂ©e de ThĂ©Ăątre de la ScĂšne Rouge et avoir Ă©tĂ© Ă  MusĂ©e des cratĂšres noirs de Subotica avant sa disparition ; mais quand je lui ai demandĂ© s'il avait dĂ©jĂ  visitĂ© le Matamonia son visage s'assombrit. AprĂšs un silence tendu, il a dit que sa permission avait Ă©tĂ© refusĂ©e. "Je ne savais pas que cela pouvait arriver," dis-je.

Il Groupe cramoisi, en fait, c'est un Ă©cosystĂšme fermĂ©, qui ne se mĂȘle pas au magma des touristes voyageant vers d'autres destinations, comme en tĂ©moigne l'incapacitĂ© de la femme au visage osseux Ă  interagir avec un jeune garçon : « la femme a dĂ» se rendre compte que le paroles du garçon, Ă  nos nerfs bercĂ©s par le charme toujours plus fort de la Matamonia d'Esagro Noroi, elles rĂ©sonnent comme le bruit sec et abrasif d'articulations osseuses sans cartilage. Puis la femme se retira brusquement de la conversation et revint occuper sa place dans le groupe, distante comme un appendice ou une queue" . Le guide les attend Meredro Nicoa, un personnage Ă©nigmatique, aveugle d'un Ɠil, qui prĂ©cise immĂ©diatement le statut des nouveaux venus :

"Votre Ă©tat est particulier, un Ă©tait ambigu. Vous n'existez pas vraiment ici; vous n'existiez pas avant d'arriver, cessez d'exister lorsque vous partez. Pas seulement dans le sens oĂč nous vous oublierons ; nous nous souviendrons plutĂŽt de vous comme d'une possibilitĂ©, comme idĂ©es non rĂ©alisĂ©es, et Ă  ce titre nous vous traiterons dans les prochains jours. Je vous assure que nous avons un grand respect pour les idĂ©es non rĂ©alisĂ©es. »

Meredro rĂ©sume la condition qui unit toute personne visitant une culture extĂ©rieure : la Groupe cramoisi reprĂ©sente quelques possibilitĂ© en ce sens qu'il dĂ©signe une autre maniĂšre d'ĂȘtre ; il est porteur d'une autre culture dĂ©rivĂ©e de leur pays d'origine, d'une autre nuance de ce qu'aurait pu ĂȘtre Matamonia sans la prĂ©sence d'Esagro Noroi. Meredro, comme la communautĂ© de Matamonia, respecte altĂ©ritĂ© humaine reprĂ©sentĂ© par le groupe, mais il n'est pas scrupuleux de souligner combien il n'est pas assimilable dans leur propre rĂ©gion pendant leur court sĂ©jour, comment, en somme, leur prĂ©sence n'est que de passage.

Matamonia est reprĂ©sentĂ© comme le Sogno par Esagro Noroi, oĂč tout, jusque dans les moindres dĂ©tails, est imprĂ©gnĂ© « de sens du but, d'exhaustivitĂ© " : le narrateur est Ă©merveillĂ© par la diversitĂ© de l'environnement dans lequel il est plongĂ©, oĂč malgrĂ© la grisaille et la monotonie des lieux, ("les jours suivants j'aurais trouvĂ© ce motel Ă  chaque coin de rue, Ă  chaque porte verrouillĂ©e, Ă  chaque tas d'ordures " ), la vue d'un nouveau sens cela continuerait Ă  l'intriguer, gardant son esprit Ă©veillĂ© Ă  chaque Ă©tape du voyage. Celui-ci est divisĂ© en diffĂ©rents lieux de culte, ou les Ă©tapes qui ont conduit Esagro Noroi de sa rĂ©gion natale, dont il prend le toponyme Noroi, au palais du gouvernement suite Ă  la dĂ©position des anciens souverains de la nation.

Et le bĂątiment du gouvernement est la premiĂšre Ă©tape de la visite, un bĂątiment gris avec des escaliers coupĂ©s en deux par une mystĂ©rieuse fleur rouge du sol : on nous prĂ©sente immĂ©diatement le Chemin des fleurs rouges, cultivĂ© suite au passage d'Esagro, qui accompagnera les touristes jusqu'Ă  la fin de leur sĂ©jour, et dont, sous l'avertissement de Meredro, ils se tiendront Ă  bonne distance. Ici apparaĂźt le premier indice sur la vĂ©ritable rĂ©volution menĂ©e par le rĂ©gent, car plus qu'un soulĂšvement politique, les travaux d'Esagro Noroi avaient permis de retrouver "le vrai sens de Matamonia de tous les temps, attribuer une proportion et un sens Ă  chacun de ses Ă©lĂ©ments» . Est le senso le pivot de la rĂ©volution : avoir dĂ©sarticulĂ© le vide d'une structure urbaine aseptique, exaspĂ©rĂ©e par des trames grises et incolores, des Ă©tendues de maisons et d'immeubles toujours pareils Ă  eux-mĂȘmes, leur donnant un ordre et une valeur qui les soustrairaient Ă  leur vide.

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Le narrateur ne peut comparer quealtérité rempli de sens d'Esagro à sa propre culture d'origine, et face à cette réalité dans laquelle il se trouve plongé, il est rattrapé par une choc à cause de quoi il ne peut voir sa culture que comme "un monde de significations fluides et dispersées, qui m'a parfois semblé créé par un singe frappant sur une machine à écrire" , mais qui pourtant, à ce moment-là, lui sert de refuge : une bouée de sauvetage qui lui permet de ne perds pas le propre identité face à une éventuelle dépersonnalisation de l'ego qui pourrait le conduire à la folie.

Pourtant, ce qui arrive au mari du seul couple de la fĂȘte n'est pas une descente dans la folie, un duo frustrĂ© dans lequel l'Ă©pouse cherche un plaisir charnel que son homologue masculin ne peut lui procurer, mais un destin qu'elle ne peut nous apporter. aura des connaissances. Dans cette situation, l'homme est attaquĂ© par une foule d'insectes invisibles, rĂ©vĂ©lĂ©s plus tard comme Ă©tant les doigts coupĂ©s du fermier qui avait hĂ©bergĂ© le groupe pendant la nuit, malgrĂ© l'interdiction de leur guide de quitter le bus. Curieux est le l'ombre de l'horreur qui frappe alors le narrateur : « ce n'Ă©tait pas un sentiment esthĂ©tique causĂ© par ce que je voyais, ni un reflet automatique de l'agonie de l'homme sur mon esprit, mais une violente rĂ©pulsion pour moi-mĂȘme : c'Ă©tait comme si on me trouvait un uriner sur la tombe de ma mĂšre oa dĂ©fĂ©quer sur mon bureau " .

C'est la vue d'un acte sacrĂ©, d'un tabou ça ne devrait pas se voir. L'homme en proie Ă  l'agonie Ă©tait comme s'il "se soumettait dĂ©libĂ©rĂ©ment Ă  la torture" , Ă©lu comme le seul moyen d'Ă©chapper Ă  une vie de privation due Ă  sa femme et de renaĂźtre dans une autre ; en fait, les mots de Meredro, ayant appris ce qui s'est passĂ©, sont pĂ©remptoires : « il fait partie de Matamonia, maintenant. Vous devrez changer son sens et cela produira des vagues de rĂ©visions et de remplacements peut-ĂȘtre trop violents pour vous " . Ici, il est montrĂ© comment le Le rĂȘve d'Esagro, en fait, il est extrĂȘmement fragile aux changements : un acte nouveau, un homme qui entre en contact direct avec la culture qu'il a crĂ©Ă©e, qui s'inscrit dans le sens qu'il apporte, dĂ©clenche une sĂ©rie de mĂ©canismes par lesquels son insertion, pour ĂȘtre acceptĂ©e, refaçonne tout le systĂšme.

Le sommet du voyage, et de l'intĂ©rĂȘt du voyageur anonyme, est atteint lors de la visite du CitĂ© des poupĂ©es. Une immense ville cathĂ©drale dĂ©signĂ©e comme le plus gros Ă©chec par Esagro Noroi. La topographie de la mĂ©tropole reflĂšte une idĂ©e d'artificialitĂ© trop Ă©levĂ©e pour ĂȘtre assimilĂ©e par les habitants originaires de Matamonia : elle reprĂ©sentait une construction "sans codifications ni traductions" , insaisissable et inhabitable. tuer, c'Ă©tait son nom d'origine, "Ă©tait l'expression d'une arrogance si flagrante" parce que c'Ă©tait le projet d'une individualitĂ© qui voulait substituer son propre sens, ses propres significations Ă  connotation divine, Ă  une collectivitĂ© qui, par manque intellectuel, ne pouvait l'incorporer dans sa propre sphĂšre cognitive. Omora reprĂ©sente le pivot du rĂȘve du rĂ©gent, son plus grand travail et son aspiration, ainsi que son plus grand Ă©chec. C'est pourquoi, aux yeux du narrateur, la derniĂšre Ă©tape du voyage, le village natal d'Esagro, ne prend plus une valeur significative, au contraire il commence Ă  entrevoir l'ensemble facticitĂ© du projet du rĂ©gent, rĂ©vĂ©lant ainsi la convention. Le billet distribuĂ© par le guide fait Ă©vanouir le dernier souffle de charme :

Il se trouve que j'Ă©tais celui qui a dit : CE BILLET SOUVENEZ-VOUS DE VOUS QUI AVEZ VÉCU DANS MA TRERRA.
Les caractĂšres semblaient ĂȘtre Ă©crits par la main d'un enfant dirigĂ© par un adulte.

C'est peut-ĂȘtre exactement le visage d'Esagro, un ĂȘtre omnipotent, presque divin, mais de revers infantile, parce qu'il a imposĂ© son propre fantasme de sens Ă  des objets qui n'en avaient pas auparavant. Et cela implique un jugement sĂ©vĂšre : « cet Ă©merveillement qui m'avait accompagnĂ© Ă  mon arrivĂ©e m'apparaissait maintenant comme le rĂ©sultat d'un manipulation» . Un deuxiĂšme personnage arrive Ă©galement au mĂȘme rĂ©sultat, un reporter qui tout au long du trajet avait attaquĂ© chaque dĂ©tail de Matamonia avec sa camĂ©ra, en quĂȘte de sens, d'un projet concret, derriĂšre ce qu'il a vu, pour ensuite se repentir que « La Matamonia de ses photographies sont une composition de lignes, d'angles et de corps qui reflĂšte un esprit sans goĂ»t ; un masque qui tombe rĂ©vĂ©lant l'esprit vide de l'artiste» car le mĂ©canisme aseptique de la camĂ©ra reproduit des images qui extrapolĂ©es du contexte, et de l'aura de sens et de significations qui avaient englouti les touristes depuis leur arrivĂ©e, les restitue telles qu'elles sont : artefacts nus, creux et complexes. Et il est intĂ©ressant de connaĂźtre le sort de la rĂ©gion peu aprĂšs le dĂ©part du groupe cramoisi :

De certaines universités, le matamonide est né un mouvement réaliste, ni positiviste, ni empiriste, qui avec un usage stratégique et obsessionnel des demi-vérités, des échanges personnels, des doubles et triples jeux et des paradoxes linguistiques ont réussi à s'infiltrer partout dans l'organisation d'Esagro Noroi et à convaincre la population qu'une réalité de choses inertes est préférable à la tromperie des significations.

Il appartient Ă  rien moins qu'Ă  un courant rĂ©aliste, qui voit l'objet pour ce qu'il est, de dĂ©manteler la machine Ă  significations culturelles orchestrĂ©e par le rĂ©gent pour donner un sens Ă  une vie qui auparavant ne pouvait qu'apparaĂźtre vide et abyssale. Le mĂȘme que le protagoniste se retrouve Ă  vivre une fois rentrĂ© chez lui, oĂč il est seul il nouvelle couleur de la fleur rouge volĂ©e dans le jardin d'Esagro cela lui donne une autre perspective que le nĂ©ant dans lequel il est plongĂ©. Mais c'est une vision transitoire, car une fois rĂ©vĂ©lĂ©e la convention des sens, ou plutĂŽt leur manipulation, il ne reste plus qu'un effet "empreinte muetteSur sa conscience.

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Esagro Noroi : le conflit nature/progrĂšs

Je crois, au risque de malentendus, qu'il est possible d'attribuer au nom d'Esagro Noroi une volontĂ© d'auteur prĂ©cise sous-jacente Ă  la nature de ce personnage particulier. Il est donc bon de dĂ©composer le nom en deux parties, Es + Agro, et d'analyser les deux. L'Es dans la psychologie freudienne, il reprĂ©sente la voix de la nature humaine, l'instinct primordial inassimilable par les lois de la sociĂ©tĂ©. ReprĂ©sente le noyau primitif, qui dans le cas du RĂ©gent est synonyme de son ĂȘtre presque divin, capable de reprĂ©senter une fureur primordiale en contraste avec la rationalitĂ©, reprĂ©sentĂ©e par la technologie de pointe, de l'ancienne Matamonia: "TerrifiĂ© par l'idĂ©e de perdre le privilĂšge et vie, les rĂ©gents de l'Ă©poque avaient envoyĂ© leurs machines de guerre dans une vaine tentative d'empĂȘcher son avancĂ©e" .

Le contraste nature / progrĂšs est Ă©galement synthĂ©tisĂ© dans le deuxiĂšme composĂ©, agricole, dĂ©rivĂ© du latin, et dont il peut y avoir de nombreuses traductions : champ, terre, ferme, terre, territoire. Le patronyme Noroi, toponyme tirĂ© du village de naissance, correspond Ă  l'Ă©quivalent de boue en langue roumaine, excellent matĂ©riau pour la construction de villages primitifs. Et en effet c'est ce qu'est le RĂ©gent, un constructeur de sens. Enfin, la connotation naturelle est inhĂ©rente au nom mĂȘme de Matamonia qui renvoie, pour un jeu d'allitĂ©ration, Ă  notre vraie Patagonie, insufflant d'emblĂ©e au lecteur l'attente d'un voyage exotique, peut-ĂȘtre en utilisant des chronotopes narratifs similaires Ă  ceux de Les montagnes de la folie par HP Lovecraft, pour insĂ©rer un cadre d'horreur / bizarre. Au lieu de cela, dĂšs le moment de l'arrivĂ©e, elle ressemble Ă  une ville de gratte-ciel uniformes et fantomatiques, oĂč la seule empreinte de la nature, laissĂ©e par le rĂ©gent lui-mĂȘme, est la Chemin des fleurs rouges.

Lucio Besaña

Allongez-vous sur le fond

Nous avons dĂ©jĂ  soulignĂ©, lors de la brĂšve analyse de l'histoire, les liens conflictuels entre le travail de sens promu par Esagro Noroi et l'observation cynique du protagoniste et du photographe une fois de retour dans leur pays d'origine. Il est maintenant temps d'introduire quelques notions Ă©lĂ©mentaires d'anthropologie pour donner une relecture intensive de ce qu'est rĂ©ellement Matamonia par rapport au pays d'oĂč vient le protagoniste, et vĂ©rifier quelle critique sociale peut ĂȘtre entrevu entre les lignes de l'histoire.

Tout d'abord, si nous prenions ce long essai avec le titre Nous, primitifs, Publié par François Remotti, publié une premiÚre fois en 1990 puis, dans un second temps en 2009, on y trouverait à coup sûr quelques notions utiles pour mieux comprendre certaines parties de l'histoire. Nous avons déjà vu le résultat de l'attirance et de la désorientation du protagoniste au début de son périple en Matamonia qui l'amÚne à s'attacher à ses bibelots pour trouver un peu de réconfort ; voilà, le voyage dans la région menace inconsciemment les membres de la Groupe cramoisi un hors de leurs coutumes, c'est-à-dire une expropriation de l'ensemble des coutumes sociales, des normes, des traditions, pour les remplacer par d'autres types de coutumes. Remotti nous rappelle que «L'idée d'un échange de costumes est quelque chose qui suscite répulsion chez les hommes; et la crise ou la menace d'un changement dans ce domaine provoque l'effroi, la rébellion, le rejet" .

En fait, c'est un profond "bouleversé» pour secouer les touristes, et le prix Ă  payer pour entrer dans l'ensemble de la culture matamonid est trĂšs Ă©levĂ©, comme en tĂ©moigne le sort de l'homme torturĂ© par les milliers de doigts qui pĂ©nĂštrent son corps. La perturbation est cependant dĂ©mantelĂ©e lorsque le protagoniste se rend compte de la limitation des costumes de Matamonia : c'est-Ă -dire d'ĂȘtre une manipulation, un Ă©paississement de significations dictĂ©es par une seule personne, reprĂ©sentĂ©e par Esagro Noroi, coupable d'avoir imposĂ© une constellation de significations individuellesquand au lieu de cela, Ă  un niveau normal, ils sont Ă©tablis niveau collettivo. Mais l'arbitraire des significations c'est une procĂ©dure inhĂ©rente Ă  toute culture : « l'arbitraire signifie en effet qu'un fondement objectif est impensable, c'est-Ă -dire un ancrage sĂ»r dans les choses ; et le caractĂšre extĂ©rieur, Ă  son tour, exclut qu'une indication prĂ©cise puisse provenir de l'organisme ou de la base organique du psychisme humain. Bien que les choses et les circonstances environnementales d'une part et la conformation psychique et organique de l'homme d'autre part fournissent des suggestions et imposent des limites, c'est toujours dans l'espace interorganique, c'est-Ă -dire social, que les contenus et les fonctions des symboles" .

Ces symboles sont prĂ©caire, parce que l'Ă©tat de l'homme est prĂ©caire, pour que ce partage, au fil du temps, puisse ĂȘtre mĂ©connu, altĂ©rĂ©, changĂ©, remplacĂ©. Et c'est justement une sĂ©rie de substitutions aux effets meurtriers qui est prophĂ©tisĂ©e par le guide Meredro suite Ă  l'assimilation d'un Ă©lĂ©ment extĂ©rieur Ă  la culture Matamonid, c'est que le rĂȘve d'Esagro est faible, trop fragile, et Ă©tanche par un substrat presque infantile ; il n'a pas rencontrĂ© ceux processus de rĂ©ification qui permettent de "sortir les symboles de leur propre prĂ©caritĂ©" , À savoir la naturalisation, c'est-Ă -dire l'acceptation d'un fait culturel comme naturel, et sa sacralisation, par la sanction de son inviolabilitĂ©. Un exemple de sacralisation est recherchĂ© par rapport Ă  la Chemin des fleurs rouges, mais c'est une tentative qui Ă©choue, suite Ă  l'action du protagoniste de cueillir une de ces fleurs.

De plus, n'oublions pas que le narrateur, avant de partir pour Matamonia, a passĂ© un test spĂ©cial qui le considĂ©rait apte au dĂ©part, un processus qui rappelle autant que jamais les critĂšres promus pour la nomination de observateurs ethnologiques y est dĂ©crit La Repubblica de Platon, qui « doivent ĂȘtre ĂągĂ©s de moins de cinquante ans et de soixante ans au plus, [...], doivent ĂȘtre des citoyens illustres, [...] doivent se prĂ©senter dĂšs leur retour au Conseil des magistrats, qui Ă©valuera l'utilitĂ© des nouvelles rapportĂ©es et dĂ©cidera si l'observateur a Ă©tĂ© "corrompu" par les douanes Ă©trangĂšres" ; tous ces prĂ©ceptes dans le pays du protagoniste ont Ă©tĂ© remplacĂ©s par un essai unique, qui ne semble mĂȘme pas trĂšs bien fonctionner, puisqu'il s'agit d'un nombre indĂ©terminĂ© de personnes portĂ©es disparues "dans un coin ambigu de la Matamonia d'Esagro Noroi" . En effet, le test insaisissable a probablement sĂ©lectionnĂ© deux types de personnes : celles destinĂ©es Ă  mourir/disparaĂźtre en raison de la corruption et de la sortie de leurs coutumes, ou celles qui retourneraient sans plus de problĂšmes dans leur patrie parce qu'elles Ă©taient trop immergĂ©es dans la leur. us et coutumes. Dans ce cas, le sort du mari est une pure exception dictĂ©e par une vie privĂ©e bien plus contraignante que sa culture d'origine.

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Venons-en maintenant à la derniÚre question fondamentale : de quel type est la culture d'appartenance du narrateur ? EST un 'ucronie, dans laquelle le germe qui a revitalisé le systÚme anthropologique de notre modernité occidentale a subi une brusque accélération, provoquant une réalité aliénante, qui prive la personne de son individualité, et l'insÚre dans un circuit capitaliste dont le but est celui de la productivité pure . Ce systÚme est clairement mis en évidence dans les derniÚres lignes du récit lorsque le protagoniste évoque briÚvement son métier : « Pour le reste du temps je peux le faire, j'accomplirai mes tùches étroites et évidentes en comptant, déplaçant et manipulant avec une ruse consommée. les objets finis et sourds qu'ils font l'objet de mon travail " . Des objets qui sont vides, vous n'agissez que pour les produire.

Citant Adorno e Horkheimer on pourrait dire que le monde du narrateur, tout comme le nĂŽtre, a connu une pĂ©riode de son histoire capable de dissoudre Les mythes et libĂ©rer le monde de la magie de sorte que la rĂ©alitĂ© apparaĂźt nue dans sa rationalitĂ© et son utilitĂ©. Bien sĂ»r, ici les tensions sont poussĂ©es Ă  leur paroxysme : d'un cĂŽtĂ© nous avons la Sogno d'un enfant semi-divin qui a tentĂ© de re-sĂ©mantiser un monde nu attribuant son propre sens imposĂ© par un systĂšme de lois et de substitutions ; de l'autre le monde des objets du protagoniste, dĂ©pouillĂ© de significations supplĂ©mentaires Ă  leur physicalitĂ©. Ce vide d'Ăąme, nourri par la sociĂ©tĂ© dystopique oĂč il habite, l'empĂȘche d'y voir beautĂ© de la fleur rouge, pris seulement pour contester indirectement le systĂšme de signes imposĂ© par Esagro Noroi.

Nous avons dit plus tĂŽt que lorsque le journaliste rentre chez lui et voit les photos du Matamonia, il ne trouve que "des lignes, des angles et des corps qui reflĂštentTon un esprit sans goĂ»t; un masque qui tombe rĂ©vĂ©lant l'esprit vide de l'artiste », la faute Ă  la camĂ©ra, qui revient l'image aseptique qui capture, bien sĂ»r; mais les photos pour s'assurer qu'une quelconque signification leur est attribuĂ©e doivent ĂȘtre lues Ă  travers l'interprĂ©tation d'un sujet. Le journaliste se retrouve ainsi Ă  voir et Ă  commenter ces images, car, rentrĂ© dans son pays, il les lit Ă  travers le filtre de sa propre culture. RĂ©flĂ©chissons mieux : la Matamonia construite de lignes et d'angles, de rues tout de mĂȘme, et de motels gris et ternes, a toujours existĂ©, depuis avant l'avĂšnement d'Esagro Noroi. La esprit vide il faut alors se rĂ©fĂ©rer Ă  ce qu'avait Ă©tĂ© Matamonia jusqu'Ă  ce moment, qui est probablement la mĂȘme condition dans laquelle se trouve le pays d'oĂč vient le narrateur et le reporter. Alors le photographe se retrouve se dĂ©noncer sans le savoir, sa culture d'appartenance. Par ailleurs, l'attitude prise Ă  l'Ă©gard des photographies est synonyme d'une volontĂ© culturelle prĂ©cise visant Ă  dĂ©pouiller de tout sens :

Imaginez maintenant un homme qui, avec ses proches, est privĂ© de sa maison, de ses habitudes, de ses vĂȘtements, de tout enfin, littĂ©ralement de tout ce qu'il possĂšde : ce sera un homme vide, rĂ©duit Ă  la souffrance et au besoin, oublieux de dignitĂ© et de discernement, puisqu'il arrive facilement, Ă  celui qui a tout perdu, de se perdre : afin qu'il soit possible de lire avec le cƓur pour dĂ©cider de sa vie ou de sa mort sans aucune affinitĂ© humaine ; dans le cas d'une personne chanceuse, sur la base d'un pur jugement d'utilitĂ©. Le double sens du terme sera alors compris "Camp de l'anĂ©antissement", et on comprendra ce que nous entendons exprimer avec cette phrase : se coucher sur le fond . Ce sont des mots de Primo Levi sur les pratiques d'extermination menĂ©es par les Allemands contre les Juifs. Ici, cette attitude de annihilationen Un voyage dans la Matamonia d'Esagro Noroi il s'adresse Ă  tous les types de culture, et celui d'Esagro ne sera qu'un parmi tant d'autres dĂ©sintĂ©grĂ©s par cet excĂšs de rĂ©alisme qui dĂ©pouille tout de sens ; oĂč, Ă  la fin, entassĂ©s, comme un objet fini et sourd, "l'humanitĂ© n'est pas retrouvĂ©e, mais ses dĂ©bris» .


Remarque:

L.Besana, Histoires de la sĂ©rie pourpre, Éditions Hypnos, Milan 2021, p. 21.

Idem, p. quatre-vingt douze.

Ibid.

Idem, p. quatre-vingt douze.

Idem, p. quatre-vingt douze.

Idem, p. quatre-vingt douze.

Idem, p. quatre-vingt douze.

Idem, p. quatre-vingt douze.

Idem, p. quatre-vingt douze.

Ibid.

Idem, p. quatre-vingt douze.

Idem, p. quatre-vingt douze.

Ibid.

Idem, p. quatre-vingt douze.

Idem, p. quatre-vingt douze.

Idem, p. quatre-vingt douze.

Ibid.

Idem, p. quatre-vingt douze.

En particulier, je me réfÚre aux paragraphes : 6. Anthropologies implicites en action ; 11. La sortie des costumes ; 27. Précarité et réification ; 38. Critique de la modernité, in F. Remotti, Nous, les primitifs. Le miroir de l'anthropologie, Bollate Boringhieri, Turin 2009.

Idem, p. quatre-vingt douze.

Besane, op. cit., p. 34.

remotti, op. cit., p. 159.

Idem, p. quatre-vingt douze.

Idem, p. quatre-vingt douze.

Besane, op. cit., p. 49.

Le problĂšme de travail il apparaĂźt dans les histoires suivantes comme un problĂšme obsessionnel des protagonistes.

Idem, p. quatre-vingt douze.

P. Lévi, Voir les réponses, Einaudi 2014.

Remotti, op. cit., p. 47.

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