Guido von List et la tradition magico-religieuse des Ariogermans

La sagesse de Wotan est Ă  la fois connaissance, magie et poĂ©sie. Il connaĂźt non seulement les mystĂšres des Neuf Mondes et l'ordre de leurs lignĂ©es, mais aussi le destin des hommes et le destin mĂȘme de l'univers. C'est peut-ĂȘtre pour cela que Lui, unique parmi les Ases, a rĂ©ussi Ă  donner une conscience spirituelle Ă  l'ĂȘtre humain : parce que, en accĂ©dant Ă  la communion suprĂȘme avec le Grand MystĂšre, et en apprenant les secrets de l'alphabet du cosmos, Il a rĂ©ussi Ă  synthĂ©tiser tous sept esprits des Ases en une seule entitĂ© spirituelle, ce que les anciens Grecs appelaient pneuma. Avec cet acte magique, Wotan, selon Logos, est nĂ© de lui-mĂȘme le troisiĂšme Logos, celui qui a le pouvoir de donner la vie spirituelle Ă  l'ĂȘtre humain, tout comme le deuxiĂšme Logos s'est engendrĂ© Ă  partir du Premier.

Au tournant des XIXe et XXe siÚcles, utilisant une approche à mi-chemin entre l'anthropologique et l'occulte, le savant viennois Guido von List a tenté une reconstruction de l'Urgrund germanique, analysant les aspects les plus ésotériques de la cosmogonie et de la religion préchrétienne des anciens peuples d'Europe centrale.

di Marco Maculotti

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Guido de List

Guido de List (1848-1919) était un érudit, poÚte, journaliste, écrivain et alpiniste allemand. Ses travaux de recherche sur les origines des religions païennes de l'ancienne Europe, et notamment ses intuitions visant à décrypter les significations les plus ésotériques de tout le complexe mythique des anciens peuples germaniques, constituent encore aujourd'hui une opportunité essentielle pour quiconque souhaite approfondir l'argumentation , au point que Marcello De Martino la définit comme « le précurseur de la théorie dumézilienne » de la tripartition indo-européenne, ainsi que « l'exact pendant de George Dumézil dans le domaine occulte ».

Cependant, les rĂ©sultats admirables de toute une vie furent vite oubliĂ©s, pour ne pas dire opposĂ©s et bannis de tout le champ acadĂ©mique, car on pense que les travaux de List ont eu le sinistre dĂ©faut d'avoir fortement influencĂ©, aprĂšs sa mort, l'aspect transcendantal du national-socialisme. idĂ©ologie. Ce qui est certain, c'est que sa mĂ©thode de recherche diffĂ©rait considĂ©rablement de ce qui, selon le paradigme scientifique moderne, est considĂ©rĂ© comme acceptable et digne de reconnaissance Ă  notre Ă©poque. En fait, List s'est inspirĂ© des enseignements thĂ©osophiques de HĂ©lĂšne Petrovna Blavatski et il a combinĂ© les fondements de l'occultisme gnostique avec des notions tirĂ©es des Ă©crits de la sociĂ©tĂ© secrĂšte des Rose-Croix, parvenant ainsi Ă  esquisser une vision historico-religieuse trĂšs diffĂ©rente de celle imposĂ©e par la sociĂ©tĂ© moderne. AprĂšs des dĂ©cennies d'Ă©tudes, List est arrivĂ© Ă  la conclusion que la terre entiĂšre avait autrefois Ă©tĂ© gouvernĂ©e par une caste de rois-prĂȘtres (je rishi et rishika indiens, druides celtiques), dĂ©tenteurs du savoir sacrĂ© qu'il appelle Armanenschaft, au moyen desquels ils ont civilisĂ© les peuples, leur donnant un culte religieux et un paradigme spirituel de vie qui auraient rendu possible le maintien de la paix sociale.

Guido von List : Ă©rudit, explorateur, clairvoyant

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List et ses collaborateurs lors d'une étude de site sur un site mégalithique en Allemagne.

Son domaine de recherche comprend la littĂ©rature Ă©pique germanique, qui a Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©e par List dans son essence mĂ©taphysique, laEdda,Havamal et la Volupsa, ainsi que l'Ă©tude Ă©sotĂ©rique de l'alphabet runique. List a Ă©galement formĂ© un cercle de dix personnes qu'il a appelĂ©es Hoher Armanen-Orden ("High Armanic Order") et organisa des expĂ©ditions dans toute l'Allemagne Ă  la recherche des empreintes de cultes anciens : une fois sur place, le groupe organisa des sĂ©ances de mĂ©ditation, car List croyait que la manifestation de la vĂ©ritable sagesse cachĂ©e Ă©tait utilisable par le groupe Ă  travers des pratiques de mĂ©ditation et de fusion. avec l'Ă©lĂ©ment naturel. À cet Ă©gard, il s'est inspirĂ© de ses Ă©tudes sur les anciennes pratiques yogiques et tantriques de l'Inde ancienne. Beaucoup tĂ©moignent de la capacitĂ© rĂ©elle de List Ă  tomber en transe et Ă  recevoir des visions de l'ancien hĂ©ritage perdu.

L'influence de l'orientaliste Schlegel

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Ă©dition anglaise de La religion des Ariogermans de Guido Von List.

Se rĂ©fĂ©rant aux doctrines de l'Inde ancienne, List faisait rĂ©fĂ©rence aux Ă©tudes de Karl Wilhelm Friedrich Schlegel et surtout son essai Sur la langue et la sagesse des Indiens (1808), dans lequel l'auteur se consacra Ă  l'Ă©tude du sanskrit, parvenant Ă  la conclusion que toutes les grandes civilisations connues et Ă©tudiĂ©es Ă  l'Ă©poque Ă©taient issues d'une seule lignĂ©e originelle, celle indo-aryenne, originellement situĂ©e dans l'extrĂȘme au nord du globe (lĂ©gende que l'on retrouve dans presque toutes les mythologies antiques, y compris celles des civilisations qui Ă  l'Ă©poque de Schlegel ne constituaient pas encore un sujet d'Ă©tude acadĂ©mique, comme par exemple les civilisations prĂ©colombiennes de la MĂ©soamĂ©rique), puis migrĂ© vers le sud lors de la derniĂšre grande glaciation (il y a environ 11.000 XNUMX ans) pour ensuite se diviser et s'installer au fil des millĂ©naires dans divers territoires, comme le croissant fertile, la vallĂ©e de l'Indus, la vallĂ©e du Nil et, plus rĂ©cemment, la pĂ©ninsule hellĂ©nique et italique, comme ainsi que dans la vallĂ©e du Rhin Ces conclusions paraissent Ă©videntes Ă  Schlegel en raison des innombrables affinitĂ©s qu'il trouve entre le sanskrit et les langues germaniques, mais aussi avec le latin. De plus, il a tirĂ© l'idĂ©e de la colonie primordiale situĂ©e dans le Nord Ă©galement des lĂ©gendes indiennes relatives Ă  la tradition du mont Meru, la montagne sacrĂ©e du Nord lointain, leaxe mundi qui se retrouve, ponctuellement dans sa patrie polaire, dans d'innombrables traditions anciennes—Aussi de civilisations ethnologiquement trĂšs Ă©loignĂ©es de la sphĂšre indo-europĂ©enne.

Il Wihinei et la "christianisation des Ariogermans"

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Une représentation de Wotan accrochée à l'Iggdrasil, l'Arbre Cosmique des Allemands. En se sacrifiant, Wotan fut le premier à acquérir la connaissance sacrée des runes et devint ainsi le premier maßtre de l'humanité. Le parallélisme avec le Christ crucifié est clair.

Centrant ses recherches sur le christianisme, que l'Europe avait depuis longtemps acceptĂ© comme religion officielle, et comparant les mystĂšres Ă©sotĂ©riques et les fĂȘtes du calendrier chrĂ©tien Ă  ceux du paganisme antique, List arriva Ă  la conclusion que la soi-disant « christianisation de l'Ario- Germani » n'Ă©tait qu'extĂ©rieur, alors que le culte suivi par les ancĂȘtres constitue encore aujourd'hui le contenu le plus profond du christianisme. Il a dĂ©montrĂ© ses thĂ©ories avec le plus grand sĂ©rieux, dĂ©montrant de maniĂšre incontestable la parfaite correspondance, Ă©tymologique et de contenu, de toute cĂ©lĂ©bration sacrĂ©e chrĂ©tienne, non seulement en ce qui concerne les grandes fĂȘtes (NoĂ«l: NoĂ«l; Ostara: PĂąques, etc.) mais mĂȘme en rĂ©fĂ©rence aux fĂȘtes des saints, et donc pour chaque jour du cycle de l'annĂ©e sacrĂ©e (La dissimulation du wuotanisme dans le christianisme). Selon List, les innombrables correspondances trouvĂ©es par Schlegel entre le sanskrit et les langues des anciens peuples europĂ©ens ne peuvent mener que dans une direction bien prĂ©cise : toutes les populations indo-europĂ©ennes dĂ©rivent d'une lignĂ©e originelle, qui, avant la dispersion consĂ©cutive Ă  la derniĂšre glaciation, il parlait la mĂȘme langue (qu'il appelait Ursprache). List accepta donc les hypothĂšses dĂ©rivant des Ă©tudes de Schlegel, mais alla plus loin : il enquĂȘta sur les correspondances Ă©sotĂ©riques entre l'ancien systĂšme religieux vĂ©dique et le paganisme de l'Europe archaĂŻque, arrivant ainsi- suivant une mĂ©thode que l'on pourrait qualifier de syncrĂ©tisme religieux ante-littĂ©rale—À la reconstruction du complexe magico-religieux des anciens Germains : les Wihinei. La consĂ©quence Ă©vidente du dĂ©tachement de la langue originelle et de l'adoption des diverses langues vulgaires qui en sont issues, a provoquĂ©, selon List, la scission des savoirs traditionnels en deux doctrines distinctes : celle Ă©sotĂ©rique enseignĂ©e aux initiĂ©s (que l'auteur appelle "armanisme") et celle, exotĂ©rique, facile Ă  comprendre, basĂ©e sur le mythe et l'anthropomorphisation des dieux, pour le peuple ("wotanisme").

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La cosmogonie reconstituée des Ariogermans

Le mystÚre primordial est ainsi décrit dans le chant de l'ancien mythe de l'Edda, le Volupsa, cité par List (La religion des Ariogermans, p.36), qui se lit comme suit :

A l'origine il n'y avait pas de sable, pas de mer, pas de vent
pas la terre en bas, ni le ciel en haut,
vide abyssal, nulle part l'herbe ne poussait.

Exactement ce que les anciens Grecs appelaient Kaos et ce que la science moderne, comme le note List, appelle le « brouillard primordial » : la substance primordiale dont tous les éléments sont issus. L'auteur poursuit alors :

Sur ce vide sans fond de l'abĂźme primordial, fermĂ© sur lui-mĂȘme, planait cette force latente incommensurable, cette cause originelle sans cause, cette cause originelle impersonnelle, qui peut ĂȘtre identifiĂ©e comme "le dieu cachĂ©", comme un esprit impersonnel, immatĂ©riel, qui est le temps et l'espace Ă  la fois. Par le souffle, il se condense en matiĂšre.

Plus tard dans l'ouvrage (p. 57), List appelle ce dieu non manifesté SURTOUR ("Stable dans le primordial" ou "stable dans l'Ă©ternel") "le TĂ©nĂ©breux", la substance primordiale et en mĂȘme temps le "Grand Esprit" qui plane au-dessus des tĂ©nĂšbres de l'abĂźme primordial, "l'esprit du salut" , un double mystĂšre qui se dĂ©veloppe plus tard comme une "double unitĂ©", se divisant en une polaritĂ© masculine (ALLSATUR, PĂšre Universel, le premier Logos, c'est-Ă -dire le dieu manifestĂ© comme "l'Esprit du Monde", crĂ©ateur de toutes choses, dĂ©miurge) et au fĂ©minin (hylĂ©, matiĂšre/Ă©lĂ©ment primordial, matrice cosmique de tout ĂȘtre, Grande DĂ©esse MĂšre) [cf. Le dieu primordial et triple : correspondances Ă©sotĂ©riques et iconographiques dans les traditions antiques]. Les enseignements Ă©sotĂ©riques de l'armanisme reconstituĂ©s par List envisageaient donc « une tripartition, ou plutĂŽt une triple Ă©tat du concept de Dieu, oĂč le dieu originel Ă©tait reprĂ©sentĂ© comme androgyne, A savoir bisexuel"(La religion des Ariogermans, p.36). Dans une premiĂšre phase de crĂ©ation, poursuit List, ce dieu occulte se manifeste prĂ©cisĂ©ment par le mouvement, Ă  partir de lui-mĂȘme, se rĂ©vĂ©lant comme premiers logos, Ă©manant par la suite de lui-mĂȘme les quatre premiers Ă©lĂ©ments, Ă  savoir le feu (Muspilheim), l'eau (Audhumbla), air (Reflheim) et la terre (Imir). Cet acte primordial de crĂ©ation est possible parce que, dĂ©tachant la lumiĂšre (le premier Logos) de l'obscuritĂ© de l'abĂźme, en mĂȘme temps ce sur quoi la lumiĂšre projette son rayon s'est aussi dĂ©tachĂ© de l'unitĂ© primordiale, se manifestant comme Hyle, cosmique matiĂšre destinĂ©e Ă  recevoir l'influence crĂ©atrice d'Allsatur et Ă  la traduire dans la multiplicitĂ© des formes de l'ĂȘtre.

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Ymir attaqué par Wotan, Wile, We dans une illustration de Lorenz FrÞlich.

Le meurtre d'Imir et la création du monde

L'Ă©lĂ©ment Imir a donnĂ© naissance Ă  l'ancĂȘtre des gĂ©ants, tandis que l'Ă©lĂ©ment Audhumbla il a gĂ©nĂ©rĂ© Ă  partir des pierres de sel un ĂȘtre androgyne, Buri, qui Ă  son tour a gĂ©nĂ©rĂ© Bör. Ce dernier, rejoignant la progĂ©niture d'Imir, engendra trois fils (Wotan, Wile, Nous) qui a tuĂ© le Imir gĂ©ant (ou Ymir), "ils emportĂšrent son corps dans l'espace vide entre Muspilheim e Reflheim"(Le feu et l'air) et Ă  partir de cela, ils ont crĂ©Ă© ce que nous appelons notre monde. C'est un mythe qui trouve partout ses parallĂšles dans les traditions antiques : Imir est l'Ă©quivalent de la Tiamat sumĂ©ro-akkadienne, du typhon grec vaincu par Zeus et ses frĂšres olympiens, et aussi de la dĂ©esse aztĂšque Coyolxauhqui (Chalciuhtlicue, Acuecucyoticohuati) [ cf . Une lecture cosmogonique du panthĂ©on de la tradition mexica, dans une perspective de syncrĂ©tisme religieux]. En comparant le mythe germanique avec le Mexica, on ne peut s'empĂȘcher de remarquer les similitudes. Dans le premier, il signale List (page 38) :

Avec le meurtre d'Imir, tant de sang jaillit que de ses blessures toute la race des Hrimthursi tomba malade, jusqu'Ă  ce qu'un nommĂ© Bergermil ("ancienne montagne"), dont le pĂšre s'appelait Thrudgelmir ("trĂšs ancien") et le grand-pĂšre Dergelmir (" original") s'est sauvĂ© lui et sa famille dans un "berceau", qu'il utilisait pour naviguer comme un bateau. Dans le monde terrestre maintenant restaurĂ©, il implanta la lignĂ©e des gĂ©ants, qui fixa sa demeure dans les terres au-delĂ  de la mer, qui devint par la suite le cinquiĂšme lieu oĂč la lignĂ©e humaine s'installa : Mitgard, la terre arctique, la terre situĂ©e au pĂŽle nord, le lieu d'origine de l'Ari.

Selon les rĂ©cits aztĂšques, Chalciuhtlicue / Acuecucyoticohuati Ă©tait la dĂ©esse qui rĂ©gnait sur les cieux Ă  l'Ăąge du quatriĂšme soleil, c'est-Ă -dire celui avant le nĂŽtre. La dĂ©esse aimait beaucoup les hommes, mais Tezcatlipoca - en robe typique filou rappelant les exploits du Norse Loki - il l'a accusĂ©e de masquer son Ă©goĂŻsme de recevoir des priĂšres d'hommes sous prĂ©texte d'amour dĂ©sintĂ©ressĂ©. Chalciuhtlicue a Ă©tĂ© tellement affectĂ©e par cette accusation qu'elle a pleurĂ© du sang pendant les 52 jours suivants, provoquant une terrible inondation qui a noyĂ© tous les habitants de la Terre. Seuls un homme et une femme sont sauvĂ©s, se rĂ©fugiant dans un tronc de cyprĂšs. Chalciuhtlicue est ensuite vaincu par Huitzilopochtli, qui devient le souverain du cinquiĂšme soleil. Un autre mythe concernant la naissance de Huizilopochtli raconte comment il a affrontĂ© sa sƓur Coyolxauhqui ("celui avec des hochets sur le visage"), l'a tuĂ© et l'a mis en piĂšces, crĂ©ant le nouveau soleil, la nouvelle lune, la nouvelle terre et, peut-ĂȘtre, mĂȘme la planĂšte Mars d'aujourd'hui.

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Les nains et les quatre vents

La planÚte sur laquelle nous vivons a donc subi plusieurs métamorphoses au cours des éons et avec elle le cosmos tout entier. Cette vérité ésotérique ressort de toutes les doctrines traditionnelles des peuples les plus anciens. Combinant la compréhension de la mythologie germano-nordique avec l'étude de la cosmogonie et de l'anthropogénÚse exposée par Madame Blavatsky dans La doctrine secrÚte, List est arrivé à la conclusion que (La religion des Ariogermans, p.38) :

Avant que les hommes ne viennent sur terre, cette ville (Mitgard) préparé pour les hommes était habité par des nains, qui à l'origine avaient poussé comme des vers et des vers dans le cadavre d'Imir, et qui reçurent par la suite des dieux l'aspect et l'esprit humains, mais pas l'ùme humaine, et habitÚrent dans la terre dans des cavernes et des crevasses sombres.

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Deux nains représentés dans l'édition de 1895 de l'Edda poétique de Lorenz FrÞlich.

Plus tard, les dieux ont placé quatre nains comme guides des vents principaux (Autriche: Est, Vestri: Ouest, sudri: sud, norri: Nord). Les étoiles et les planÚtes ont été créées plus tard - c'est-à-dire que les Asi ont infusé leurs esprits divins dans les sept planÚtes. Avec cet acte, dit List, "le temps primordial s'est terminé". En lisant cette mystérieuse race de nains originaires du cadavre d'Imir et d'habitants antédiluviens de la terre, qui y vivent désormais "dans des cavernes et des crevasses sombres", notre réflexion est automatiquement dirigée vers tout ce champ de légendes concernant le "Petit Peuple". ", existant dans toute l'Europe archaïque (Scandinavie, Islande, ßles britanniques, Allemagne) mais aussi ailleurs (par exemple, dans les traditions des Amérindiens) [cf. Les «petits gens» dans le folklore amérindien du sud-est].

Les Ases créent le monde, Wotan HÀnir et Lodur créent l'homme

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Wotan, Wile et Nous créons le monde (illustration de Lorenz FrÞlich).

Ceux que List appelle "dieux" ne sont pas ceux de la triade primordiale, mais les sept Asi qui dĂ©rivent de la scission des premiers. Selon l'auteur, les Asi (le sens littĂ©ral du terme est "colonnes du monde") crĂ©ent la terre, les mers, le ciel, c'est-Ă -dire tout le monde visible, Ă  partir du corps de l'Imir tuĂ©, "le primordial Ă©lĂ©ment", mais pas l'homme, dont ils ne peuvent crĂ©er que la "figure" (le "schĂ©ma" sur lequel pneuma). Ils contribuent Ă  la crĂ©ation du premier couple humain (Ask et Embla, les "Adam et Eve" germaniques) Wotan («LumiĂšre, esprit, intellect»; le rĂ©pit) qui confĂšre le pneuma spirituel, Hanir (alt. Ruse; «LumiĂšre, Ăąme, tempĂ©rament»; lĂ  volontĂ©) crĂ©e l'Ăąme infĂ©rieure et l'intellect e Lodur (alt. We; "Feu, passion, dĂ©sir" ; la feu d'origine) le corps matĂ©riel. Le souffle divin que Wotan injecte dans l'ĂȘtre humain est le troisiĂšme Logos, l'Ă©tincelle divine prĂ©sente dans notre intĂ©rioritĂ©.

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La création de l'homme. Notez le symbole de la triade sacrée et l'aigle, symbolisant l'esprit de Wotan.

Il y aurait de nombreuses remarques Ă  faire : tout d'abord il faut noter que la division tripartite de l'ĂȘtre humain est typique de la tradition indo-europĂ©enne. En effet, il est impossible de ne pas remarquer la correspondance entre Wotan/HĂ€nir/Lodur et la triade des dieux Guna dans la tradition Hindou, c'est-Ă -dire les trois composantes ultimes de prakáč›ti /matiĂšre : sattva (virtuositĂ©, puretĂ©, Ă©clat, sagesse), Rajas (instabilitĂ©, activitĂ©, dĂ©sir) e tamas (engourdissement, ignorance, indolence). On citera Ă©galement la triade latine plus archaĂŻque, Ă©tudiĂ©e par DumĂ©zil (La religion romaine archaĂŻque), et formĂ© par Jupiter (principe spirituel ; caste des prĂȘtres), Mars (principe de l'Ăąme ; caste des guerriers) et Quirinus (principe matĂ©riel ; caste des producteurs).

Par ailleurs, d'autres traditions germaniques appellent par des noms diffĂ©rents les trois dieux qui contribuent Ă  la crĂ©ation de l'ĂȘtre humain : si en fait Wotan/Odin est toujours prĂ©sent, Wile/HĂ€nir est parfois remplacĂ© par Donar/Thor et We/Lodur par Loki, Freyr ou Frico. Cependant, la dĂ©nomination de Wotan se retrouve toujours dans tous les rĂ©cits mythiques des anciens Germains puisque selon List, "il est le plus puissant de la triade", il est "l'Un, l'Un, l'Etre unique" (p. 38), ajoutant peu aprĂšs :

Celui-ci est cependant la deuxiÚme manifestation, qui se réalise à travers la matérialisation de l'esprit divin. Il est le deuxiÚme Logos et en tant que tel est le PÚre Universel, qui se plaçant au-dessus de Wotan est insaisissable et non représentable, tout en apparaissant humanisé et représentable en Wotan. Le PÚre Universel, également appelé Dark Surtur (...) est le créateur de tout, et Wotan est son homologue humanisé, il est donc "un avec son pÚre dans les cieux".

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La deuxiĂšme triade. De gauche Ă  droite, Donar / Thor, Wotan / Odin et Freyr / Fricco. Ci-dessous, Loki qui a greffĂ© le "feu originel" (c'est-Ă -dire les pulsions issues de la matiĂšre) dans l'ĂȘtre humain. Wotan est assis sur le trĂŽne car il est le second Logos : Donar et Freyr ne sont autres que ses autres manifestations (Loki est la manifestation de son absence ou, mieux, de sa prĂ©sence inaperçue). Car ce Wotan est « Un et Trine », et dans sa triple manifestation il est en tout identique Ă  son PĂšre, Surtur « Stable dans l'Ă©ternel », qui donne naissance Ă  Allsatur, le premier Logos.

Le sacrifice de Wotan, suspendu Ă  l'Arbre Cosmique

Les analogies avec le christianisme ne s'arrĂȘtent pas lĂ . Le mythe raconte que Wotan connaĂźt les secrets des runes, les lettres qui sont Ă  l'origine mĂȘme de toute connaissance et de tout pouvoir. Pour obtenir cette sagesse il s'est immolĂ© (Wotan selon Logos) en sacrifice Ă  lui-mĂȘme (Wotan premier Logos) devenant ainsi le premier Erlaz, ou le premier "maĂźtre runique". Pour apprendre l'art de la divination et de la prophĂ©tie, Wotan s'accrocha Ă  l'arbre cosmique Yggdrasill pendant neuf jours et neuf nuits. Ainsi dans leHavamĂĄl, 139:

Je sais, j'ai été raccroché
au tronc fouetté par le vent
pendant neuf nuits entiĂšres,
blessé d'un coup de lance
et remis Ă  Wotan,
moi-mĂȘme Ă  moi-mĂȘme,
sur cet arbre
que personne ne sait
d'oĂč il s'Ă©lĂšve des racines.

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Les sept As

La sagesse de Wotan est Ă  la fois connaissance, magie et poĂ©sie. Il connaĂźt non seulement les mystĂšres des Neuf Mondes et l'ordre de leurs lignĂ©es, mais aussi le destin des hommes et le destin de l'univers lui-mĂȘme. C'est peut-ĂȘtre pour cela que Lui, unique parmi les Ases, a su donner une conscience spirituelle Ă  l'ĂȘtre humain : parce que, en accĂ©dant Ă  la suprĂȘme communion avec le Grand MystĂšre, et en apprenant les secrets de l'alphabet du cosmos, Il a pu synthĂ©tiser tous les sept esprits de l'Aesis en une seule entitĂ© spirituelle, ce que les anciens Grecs appelaient pneuma. Par cet acte magique, Wotan, selon le Logos, est nĂ© de lui-mĂȘme le troisiĂšme Logos, celui qui a le pouvoir de donner la Vie spirituelle Ă  l'ĂȘtre humain, tout comme le deuxiĂšme Logos s'est auto-gĂ©nĂ©rĂ© Ă  partir du Premier. Il faut maintenant ajouter que, selon List, je sept dieux Asi a donnĂ© naissance aux sept planĂštes : Wotan lui-mĂȘme a donnĂ© naissance Ă  Mercure - mais Loki a aussi des caractĂ©ristiques mercurielles, se prĂ©sentant maintenant comme filou maintenant en tant que hĂ©ros culturel -, Urfir (ou Baldr) au Soleil, Mani / Mannus Ă  la Lune, Tyr / Oncle Ă  Mars, Thor / Donar Ă  Jupiter, Freya / Fena Ă  VĂ©nus et le primordial Surtur Ă  Saturne - La liste spĂ©cule que le latin Saturne est une dĂ©formation de Surtur, « stable dans l'Ur », c'est-Ă -dire dans le primordial. A notre avis, on peut supposer que Saturne est aussi Freyr, puisque, exactement comme le Saturne Italique, rĂ©git sur la fertilitĂ© et la rĂ©colte des champs.

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Wotan / Odin

De ces sept Ases suprĂȘmes, seul Wotan peut tous les rĂ©sumer, car il est "un avec son PĂšre cĂ©leste". On voit bien comment le mythe paĂŻen de l'abnĂ©gation de Wotan fut ensuite adoptĂ© par le christianisme en rĂ©fĂ©rence Ă  la figure du Christ, Ă©galement un dieu ("fils premier-nĂ© de Dieu le PĂšre") qui sacrifie sa vie aux hommes : il ne fait aucun doute que dans Havamal Wotan devient le protagoniste d'un vĂ©ritable processus de mort et de rĂ©surrection. MĂȘme le fait que Wotan s'auto-perce avec une lance semble avoir inspirĂ© les chrĂ©tiens pour la raison de la blessure de JĂ©sus au cĂŽtĂ© au moyen de la lance de Longinus (dĂ©rivant Ă©galement philologiquement de la mythique "lance de Lugh" dans la mythologie celtique). Il y a aussi des parallĂšles Ă©vidents avec le mythe d'Osiris et avec celui aztĂšque de Quetzalcoatl, qui, aprĂšs ĂȘtre descendu aux enfers, a volĂ© les "os" (les runes du mythe germanique) et les a trempĂ©s dans son propre sang pour ressusciter la race humaine. En effet, il n'est pas Ă©tonnant qu'Ă  l'Ă©poque de la christianisation des populations d'Europe du Nord, la figure d'Odin ait Ă©tĂ© rĂ©guliĂšrement rapprochĂ©e de celle de JĂ©sus : des reprĂ©sentations du dieu antique se retrouvent encore aujourd'hui dans des Ă©glises chrĂ©tiennes comme l'Ă©glise paroissiale d'Akureyri, en Islande.

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Schéma récapitulatif

Bibliographie:

  • Guido de List, La religion des Ariogermans et d'Urgrund (SeptiĂšme Sceau, 2008).
  • Guido de List, Le secret des runes (Barbarossa, 1996).
  • Guido de List, La dissimulation du wuotanisme dans le christianisme (Arthos, 2005).
  • HĂ©lĂšne Petrovna Blavatsky, La doctrine secrĂšte (Éditions thĂ©osophiques italiennes, 2008).
  • Georges DumĂ©zil, La religion romaine archaĂŻque (BUR, 2001).
  • Jean Markale, Druidisme - Religion et divinitĂ© celtiques (MĂ©diterranĂ©e, 1991).
  • TGE Powell, Les Celtes (L'essayeur, 1959).

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