Le Mythe et le Logos : la sagesse grecque dans les mythes platoniciens

Se connaĂźtre soi-mĂȘme et connaĂźtre le monde des idĂ©es par le mythe, ou, en d'autres termes, atteindre le Logos par le Mythe : c'est l'idĂ©e principale qui soutient la sagesse grecque, comme Platon l'a divinement illustrĂ© dans ses Ɠuvres. Le mythe de la caverne, le mythe d'Er, celui du conducteur de char et d'Eros nous montrent que dans ce que nous appelons la "rĂ©alitĂ©" rien n'est certain, tout est en mouvement constant : la vĂ©ritĂ© est hors du feu, au-delĂ  hors de la caverne et de l'esprit lui-mĂȘme, donc dans le monde des idĂ©es, que Platon appelle « l'hyperuranium » ; c'est-Ă -dire "au-delĂ  du ciel".


di Samuel Baricchi
couverture : Jean Delville, "L'Ă©cole de Platon"

Le mythe dans la culture grecque reprĂ©sente le fondement de la sociĂ©tĂ© de la citĂ©-Ă©tat et de la vie de l'homme grec. A l'Ăąge archaĂŻque, les populations mycĂ©niennes regardaient le ciel avec admiration et, reprenant une sagesse encore plus ancienne, elles prĂ©voyaient les Ă©vĂ©nements futurs, relisaient le passĂ©, analysaient le prĂ©sent. Les Grecs avaient une mythologie collective trĂšs bien structurĂ©e, par exemple d'HĂ©siode et d'HomĂšre ; nous, hommes contemporains et modernes, les crĂ©ons pour nous-mĂȘmes, maĂźtres de notre destin, grand hĂ©ritage et hĂ©ritage de l'humanisme et de la pĂ©riode historique de la Renaissance.


Les HĂ©ros, enfants des Dieux, et le Destin

La GrĂšce pose ses fondements dans une Ă©poque ancestrale, oĂč le sang des hĂ©ros se mĂȘle Ă  celui des dieux. Les dynasties grecques ont justifiĂ© leur pouvoir politique par une lignĂ©e divine, et ce non seulement Ă  l'Ă©poque archaĂŻque, mais aussi Ă  une Ă©poque plus rĂ©cente, et mĂȘme Ă  l'Ă©poque hellĂ©nistique, suite aux conquĂȘtes d'Alexandre le Grand. Achille, le plus puissant et le plus rapide des hĂ©ros de la guerre de Troie, descend du cĂŽtĂ© maternel de la lignĂ©e des crĂ©atures divines et immortelles, Teti, liĂ©es Ă  la mer, Ă  l'eau, Ă  l'inconscient, dans une symbolique commune. L'eau, mĂȘme en termes jungiens, reprĂ©sente toujours l'esprit lui-mĂȘme.

la-colere-d-achille-michel-martin-drolling
Michel Martin Drolling, "La ColĂšre d'Achille"

mĂȘme Alessandro il a rĂ©ussi Ă  ĂȘtre considĂ©rĂ© par tous les peuples qu'il a conquis comme le descendant d'Amon, pour les Égyptiens, et de Zeus ou d'HĂ©raclĂšs, initialement, ou de Dionysos, de la part de sa mĂšre, une mĂšre qui avait des origines orientales comme le mĂȘme dieu Dionysos, qui selon le "mythe" a dĂ©passĂ© les frontiĂšres de la terre connue Ă  l'Ă©poque, et s'est rendu en Inde, sur les rives du fleuve OcĂ©an, qui enveloppe les terres Ă©mergĂ©es, selon la vision de la terre pour les Grecs .

Mais les hĂ©ros grecs ne sont pas seulement « semi-divins » de naissance. En analysant les mythes, leur Ă©tat semi-divin (ou hĂ©roĂŻque) Ă©merge Ă©galement dans la mesure oĂč, au cours de leur vie, ils ont pu comprendre le potentiel de leur propre psychĂ©, de la profondeur de l'aspect inconscient, utilisant ces potentialitĂ©s chacun, quelle que soit l'importance qu'elle porte au mythe homĂ©rique, selon les prĂ©dispositions respectives.

Ulysse c'est un chef de tribu, comme Achille, et bien qu'il soit un homme ordinaire, il parvient en tout cas Ă  ĂȘtre considĂ©rĂ© comme "hĂ©roĂŻque" car il utilise son intelligence pour gagner ensuite la mĂȘme guerre de Troie. On pourrait presque dire que le vĂ©ritable hĂ©ros de la mythologie homĂ©rique, et de la GrĂšce, est Ulysse, l'homme liĂ© aux "logos" plus que tous les autres, qui avec ses stratagĂšmes et ses raisonnements, parvient, mĂȘme pendant l'OdyssĂ©e, dont il est le protagoniste, Ă  survivre et Ă  dĂ©passer toute adversitĂ©. Chaque hĂ©ros homĂ©rique a intrinsĂšquement une approche diffĂ©rente de la rĂ©alitĂ©.

2-la-procession-du-cheval-de-troie-dans-troie-giovanni-domenico-tiepolo
Giovanni Domenico Tiepolo, "La procession du cheval de Troie Ă  Troie"

Agamemnon, dĂ©vouĂ© aux dieux au point de sacrifier sa propre fille, IphigĂ©nie, mais dĂ©vouĂ© Ă  la cause de la conquĂȘte de la Thessalie plus qu'autre chose, il perpĂ©tue le sacrifice pour avoir des vents favorables pour partir vers Troie. La signification morale de ce geste, du point de vue des dieux, s'exprime au moment oĂč il est imposĂ© par les dieux prĂ©cisĂ©ment parce que, peu importe le nombre de morts que la guerre aurait causĂ©s, Agamemnon aurait Ă©tĂ© l'homme qui souffert plus que tous les autres.

Dans le mythe grec ancien, il y a toujours une sorte de dĂ©votion aveugle au destin et aux caprices des dieux, mais aussi un sens profond qui traduit le dĂ©sir de connaissance de toute la population qui surplombe la mer EgĂ©e. Sans surprise, les murs de Troie sont concentriques et ressemblent aux murs de l'Atlantide, semblables Ă  des orbites cĂ©lestes. L'homme ancien a regardĂ© le ciel et, des mouvements des Ă©toiles, il a partiellement compris sa propre vie, sa propre façon d'ĂȘtre, et sa prĂ©disposition Ă  la crĂ©ativitĂ©, pour construire et reflĂ©ter l'univers au-dessus de lui, le transposant sur la terre, avec ses Ɠuvres architecturales.

MĂȘme les villes d'origine celtique sont construites de cette maniĂšre, tandis que plus rĂ©cemment, les anciens Romains ont commencĂ© Ă  construire des villes en suivant le plan de leurs camps militaires, avec un plan carrĂ©. Cependant, le carrĂ© peut s'inscrire dans une sphĂšre : tout revient au cercle, Ă  l'Ouroboros et Ă  l'Ă©ternel retour du temps cyclique, que l'homme est amenĂ© Ă  percevoir du fait de la sensibilitĂ© issue de l'observation, mĂȘme inconsciente, des cycles des saisons, du jour et de la nuit. Soleil, Lune et nuit, puis encore Soleil, Lune et nuit. Ainsi Ă  l'infini, dans l'esprit de l'homme ; Et donc aussi dans sa facultĂ© imaginative.

dans-la-république-de-platon-socrate-likes-mary-evans-bibliothÚque-d'images
Mary Evans, "La grotte de Platon"

Platon et le mythe de la caverne

Le mythe est en fait, selon Platon, philosophe disciple de Socrate, l'initiateur de la mĂ©thode de raisonnement scientifique, interrogeant les autres et ne croyant jamais aveuglĂ©ment, demandant toujours pourquoi, et allant Ă  la cause premiĂšre des choses et des questions, un « mensonge » explicite " aux gens ordinaires d'argumenter Ă  travers des exemples, des histoires, des contes de fĂ©es, des problĂšmes et des questions philosophiques extrĂȘmement complexes. Platon dans ses Ɠuvres utilise le "mythos» PrĂ©cisĂ©ment en affirmant que ces mythes sont des explications plausibles de la rĂ©alitĂ©, non des dĂ©monstrations avĂ©rĂ©es de ses thĂ©ories, mais plutĂŽt des exemples archĂ©typaux, exemplifiants, Ă©crits pour expliquer des questions trĂšs complexes.

Le mythe le plus célÚbre de Platon concerne la grotte. Il y a un feu au centre de la grotte : le philosophe Héraclite voyait dans le feu l'élément principal et primordial de la réalité, en mouvement continu. Le principe de réalité est étranger à l'élément feu. Les gens sont ligotés, et ils voient au fond de la grotte les ombres changeantes projetées par le feu, qui laisse filtrer sa lumiÚre à travers les simulacres, posés derriÚre les hommes.

LIRE AUSSI  Le CƓur et la Vulve : un voyage dans les symboles communs

Le philosophe, et Socrate lui-mĂȘme, pour Platon, accomplit cette action : il se dĂ©tache, par la facultĂ© de raison, du « logos », et tourne son visage et sa poitrine vers les simulacres, dĂ©couvrant qu'ils projettent des ombres mensongĂšres et fausses sur le fond de la grotte. En accomplissant une autre Ă©tape, il dĂ©couvre mĂȘme que la lumiĂšre qu'il Ă©tait convaincu d'avoir vue est alimentĂ©e par un feu, la mĂȘme rĂ©alitĂ© physique, en mouvement continu, en changement continu, oĂč rien n'est certain, mais le philosophe, en passant par le feu, parvient Ă  la sortie de la caverne, pour enfin voir le Soleil. Dans ce mythe il y a l'Ă©lĂ©ment de la caverne, la conscience humaine, l'esprit, le psychisme, qui est habituĂ© Ă  voir projetĂ© images d'un foyer, la rĂ©alitĂ©, directement sur sa profondeur; mais la vĂ©ritĂ©, selon Platon, se trouve hors du feu, hors de la caverne et donc de l'esprit lui-mĂȘme, dans le monde des idĂ©es, qu'il appelle « hyperuranium ». C'est-Ă -dire "au-delĂ  du ciel".

csm_Rene_Magritte_Ausstellung_Exhibition_Verrat_Bilder_Treachery_Image_Schirn_Kunsthalle_Frankfurt_2017__05_ac7f51408a
René Magritte, "La condition humaine"

Platon soutient que les idĂ©es des hommes, toute idĂ©e, existe en fait dĂ©jĂ  dans un Ă©tat qui va au-delĂ  de tout ciel et de tout univers, jusqu'Ă  un Ă©tat trĂšs subtil, mais aussi trĂšs "Ă©levĂ©", trĂšs profond, au-delĂ  de toute perception et observation. Les idĂ©es terrestres, les idĂ©es des hommes mortels, ne sont que l'imitation de la nature qui se trouve au-delĂ  de la sensation. La sensation ultime, la perception finale, est donc pour Platon la « non » sensation, seulement lĂ , complĂštement sorti de sa propre psychĂ©, troublĂ© par les ombres projetĂ©es par le feu, et par sa propre perception, mĂȘme rationnelle, pourtant limitĂ©e car il est "Ă  l'intĂ©rieur" de la caverne, l'homme peut-il en sortir complĂštement de lui-mĂȘme, et de ses limites, et voir le Soleil, l'authentique "logos". D'un point de vue archĂ©typal, le Soleil est aussi un Ă©lĂ©ment de vie, une lumiĂšre qui contraste avec l'obscuritĂ© des profondeurs de la grotte. Le Soleil et le ciel bleu Ă  l'extĂ©rieur de la grotte reprĂ©sentent l'hyperuranium lui-mĂȘme, lĂ  oĂč Platon place la "vraie" rĂ©alitĂ©.

Cependant, cela conduit non pas tant Platon, mais le Platonisme et le NĂ©oplatonisme Ă  avilir la rĂ©alitĂ© sensible, et Platon lui-mĂȘme considĂ©rait l'art de maniĂšre nĂ©gative, comme une "imitation" d'une rĂ©alitĂ© qui dĂ©jĂ  en elle-mĂȘme imite la rĂ©alitĂ© suprasensible, la "Vraie" rĂ©alitĂ© pour le philosophe grec ancien. On pourrait presque dire alors que de l'art, en remontant, on peut connaĂźtre la rĂ©alitĂ©, mĂȘme si c'est "mimesis" de la rĂ©alitĂ©. Cependant Platon utilisait comme mĂ©thode fondamentale de connaissance la rĂ©miniscence, ou "se souvenir", anamnĂšse.

Les idĂ©es sont dĂ©jĂ  prĂ©sentes dans l'esprit des hommes, tout comme elles le sont dans l'hyperuranium, il s'agit de se souvenir. Il est donc un processus Ă  rebours, et on pourrait dire que mĂȘme des manifestations esthĂ©tiques de l'art il est possible de faire cette anamnĂšse, cette remĂ©moration, mĂȘme de la littĂ©rature fantastique. En fait, Platon lui-mĂȘme utilise des exemples tirĂ©s du domaine de l'imagination pour expliquer des concepts trĂšs compliquĂ©s : la mĂȘme littĂ©rature fantastique, comme on le voit, est pleine de cette recherche archĂ©typale et ancestrale du moi authentique, Ă  travers les mythes inventĂ©s par les Ă©crivains, les histoires et les contes de fĂ©es. contes pour hommes adultes.

Grotte de Platon.


Les citĂ©s-États grecques, la "RĂ©publique" et la Logos

Un autre mythe que Platon utilise pour justifier politiquement le pouvoir, en tant que philosophe, est celui de crĂ©ation des hommes. En fait, ils ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©s, selon le mythe platonicien racontĂ© dans la "RĂ©publique" par les dieux qui mĂȘlaient en eux, dans leur essence et leur substance, diffĂ©rents Ă©lĂ©ments. Les dirigeants ont de l'or en eux. Descendre, dans les classes sociales, l'argent, le bronze et, enfin, le fer. Platon divise la sociĂ©tĂ© idĂ©ale de la "RĂ©publique" selon les castes, pour utiliser un terme liĂ© Ă  la culture indienne, oĂč cet aspect a toujours Ă©tĂ© trĂšs fort. La caste dirigeante, dans la sociĂ©tĂ© idĂ©ale, est celle des philosophes, et donc non de ceux qui descendent du lignage divin, mais de ceux qui ont de l'or en eux. L'or rappelle le Soleil et le Soleil est l'image visible des "logos".

Les hommes qui gouvernent, donc, dans la vision platonicienne de la sociĂ©tĂ©, ne doivent pas ĂȘtre ceux qui se vantent d'ĂȘtre des hommes "ordinaires", comme c'est si populaire aujourd'hui en politique, encore moins ceux qui se vantent d'avoir des titres et des compĂ©tences particuliĂšres. Le souverain, pour Platon, doit ĂȘtre le philosophe, c'est-Ă -dire celui qui sait, et socratiquement, Ă©tant Platon Ă©lĂšve de Socrate, celui qui sait il ne sait pas, et donc, sachant qu'il ne sait pas, il ne se contente pas de dogmes et de croyances, mais continue Ă  chercher, continue Ă  observer, continue Ă  raisonner et, donc, dĂ©couvre toujours quelque chose de nouveau et s'approche du Soleil hors de la grotte, hors de la son propre esprit, sa propre psychĂ©, hors de lui, dans l'hyperuranium, au-delĂ  de tout ciel et univers.

Plat

L'essence mĂȘme des choses a une nature invisible, trĂšs subtile, mais elle existe, et existe en dehors du rĂ©el, le rĂ©el n'est qu'une imitation de la "vraie" rĂ©alitĂ©. Le souverain doit nĂ©cessairement correspondre au philosophe, dans la "RĂ©publique" de Platon. Le philosophe est celui qui cherche le principe, ce qui pour la philosophie grecque - mis Ă  part les prĂ©socratiques qui cherchaient le principe dans les Ă©lĂ©ments naturels, dans les archĂ©types de la terre qui se dĂ©roulaient sous leurs yeux, le feu, l'air, l'eau, la terre , l'infini, l'"apeiron", l'illimitĂ© - coĂŻncide avec le "logos", Ă  partir de Socrate.

C'est-Ă -dire qu'il coĂŻncide avec la mĂȘme facultĂ© psychique humaine, avec le mĂȘme esprit humain, avec le raisonnement, le verbe, le mot, mais aussi parce que pour les Grecs tout a un double aspect - et les premiers philosophes ont eu des Ă©changes et communiquĂ© avec les cultures orientales , tant d'un point de vue commercial qu'intellectuel - la parole en soi, donc l'inconscient. Le souverain de la "RĂ©publique" de Platon est celui qui suit le "logos". Se faire passer pour des gens « normaux », c'est aussi s'avouer mĂ©diocre, de mĂȘme qu'il est impossible de dĂ©finir que les hommes sont tous pareils, comme le dit Nietzsche : ce serait un vĂ©ritable crime contre le « logos » lui-mĂȘme. Or, dans la vision platonicienne de la sociĂ©tĂ©, seul le philosophe peut commander car il doute continuellement de lui-mĂȘme : il sait qu'il ne sait pas.

LIRE AUSSI  Les Muses et l'harmonie du chant
santorin-fig-7
Plante de l'Atlantide platonicienne

Ainsi toute perspective politique dans laquelle on se targue d'ĂȘtre "meilleur" que les autres, plus compĂ©tent, ou on se vante presque d'ĂȘtre "commun", parce que les hommes sont et doivent tous ĂȘtre les mĂȘmes, ne peut fonctionner dans la "RĂ©publique" de Platon. Seuls ceux qui sont vraiment sensĂ©s, et parviennent Ă  sortir de la grotte, en dehors de toutes les idĂ©es prĂ©conçues, et parviennent Ă  suivre la lumiĂšre du Soleil dans un voyage vers elle, doivent rĂ©gner, car les dieux ont crĂ©Ă© celui qui suit le "Logos " avec de l'or, pas d'argent, ni de bronze, ni de fer. A partir de ce concept, Platon secoue toute la sociĂ©tĂ© en la divisant en classes, et ces classes ne doivent pas se mĂ©langer les unes aux autres, sinon la sociĂ©tĂ© s'effondre, se rabaisse et s'Ă©loigne de la vĂ©ritĂ©, devenant mimĂ©sis d'une autre mimĂ©sis que la rĂ©alitĂ© elle-mĂȘme dĂ©jĂ . est, par rapport au monde des idĂ©es, l'hyperuranium. En cela Platon fait Ă©cho Ă  des idĂ©es qui rappellent les castes indiennes.

Cependant, il est bon de se rappeler que l'homme grec ne s'agenouille jamais ou ne se soumet pas, donc le philosophe au pouvoir doit ĂȘtre assez sensĂ© pour Ă©viter de devenir un tyran. Alexandre le Grand n'a eu aucune difficultĂ© Ă  gouverner ces peuples qui dans les temps anciens Ă©taient dĂ©jĂ  habituĂ©s Ă  s'agenouiller, comme les Perses, qui avaient toujours Ă©tĂ© habituĂ©s Ă  la tyrannie, mais au contraire, il n'a jamais rĂ©ussi Ă  gouverner ses propres Grecs, qui refusaient de s'agenouiller et de adhĂšrent Ă  des coutumes qui leur sont Ă©trangĂšres et « barbares », au sens de ne pas provenir du territoire grec des poleis, les citĂ©s-Ă©tats.

Ces cité-état ils relÚvent d'une vision tribale de la société ; pendant la guerre de Troie, selon le mythe homérique, les différents "wanax", les commandants des cités-états, qui à l'époque n'étaient guÚre plus que de petites tribus et des congrégations de villages, s'unissent en un seul siÚge de la ville d'Ilium . Achille était aux commandes des myrmidons, Agamemnon des Mycéniens, Ménélas des Spartiates.

4he5j6
William Blake

Le mythe d'Er et l'immortalité de l'ùme

Le mythe d'Er parle de l'immortalité de l'ùme, ainsi que le mythe du char ailé. Chacun de nous, selon Platon, est une créature millénaire, qui a choisi cette vie en fonction du type d'existence qu'il avait auparavant. Ce mythe eschatologique est fortement influencé par le mythe orphique de la métempsycose, également repris par les pythagoriciens, et Platon allÚgue un aspect moral à la métempsycose, alors que pour l'orphisme la métempsycose représentait simplement un phénomÚne naturel, sans responsabilité de la part de l'ùme de l'individu. .

Er, fils d'Armenius, un vaillant soldat de Pamphylie, qui mourut au combat, alors qu'il Ă©tait sur le point d'ĂȘtre brĂ»lĂ© sur le bĂ»cher funĂ©raire, se rĂ©veilla de son sommeil mortel et raconta ce qu'il avait vu dans l'au-delĂ . Son Ăąme Ă  peine sortie de son corps avait rejoint bien d'autres et en marchant elle arriva dans un lieu divin oĂč siĂ©geaient les juges des Ăąmes entre deux paires d'abĂźmes, l'un dirigĂ© vers le ciel et l'autre vers les profondeurs de la terre.. Les juges examinaient les Ăąmes et plaçaient sur la poitrine des justes et sur les Ă©paules des mĂ©chants la sentence, ordonnant aux premiers de monter au ciel et aux autres de descendre sous terre. Ils ont ensuite ordonnĂ© Ă  Er d'Ă©couter et de regarder ce qui se passait Ă  cet endroit, puis de le dire. Pendant ce temps, des gouffres sont sorties des Ăąmes sales et en lambeaux qui avaient voyagĂ© pendant 1000 ans, dans le ciel ou sous terre, pour expier leurs pĂ©chĂ©s.

Ceux qui dans la vie avaient commis des injustices Ă©taient punis d'une peine 10 fois plus Ă©levĂ©e que le mal commis, tandis que les bonnes actions Ă©taient rĂ©compensĂ©es dans la mĂȘme mesure. Tous les chĂątiments infligĂ©s Ă©taient temporaires, sauf ceux rĂ©servĂ©s Ă  quelques-uns, comme par exemple Ă  Ardieo, despote d'une ville de Pamphylie qui avait tuĂ© son vieux pĂšre et son frĂšre aĂźnĂ© et avait commis bien d'autres atrocitĂ©s. Lorsque les plus malĂ©fiques, comme les tyrans, tentaient de sortir de l'abĂźme, celui-ci Ă©mettait une sorte de beuglement puis ils Ă©taient attrapĂ©s, Ă©corchĂ©s et renvoyĂ©s aux Enfers. Ce mythe fait fortement Ă©cho Ă  certaines doctrines orientales, comme le cycle des rĂ©incarnations dans l'hindouisme, Ă  travers les rondes sans fin du samsara, et la doctrine du karma.

mythe-de-er
Ananke et les trois Moiras dans le mythe d'Er

Les Ăąmes qui sont restĂ©es dans cet endroit pendant sept jours ont ensuite Ă©tĂ© forcĂ©es de marcher pendant quatre jours jusqu'Ă  ce qu'elles soient en vue de une sorte d'arc-en-ciel oĂč le fuseau, symbole du destin, pendait Ă  une extrĂ©mitĂ©, reposant sur les genoux de la dĂ©esse Ananke (Besoin). La broche avait un contrepoids formĂ© de huit rĂ©cipients rotatifs concentriques, disposĂ©s les uns dans les autres. Sur chaque cercle il y avait une sirĂšne qui Ă©mettait le son d'une seule note qui se joignant aux autres formait une harmonie.

Les filles d'Ananke, les trois Moiras, Ă©taient assises en cercle non loin de leur mĂšre : Clotho filait et chantait le prĂ©sent, Lachesis le passĂ©, et Atropos, « celle qu'on ne peut dissuader », l'avenir. Un hĂ©raut prĂ©senta les Ăąmes rangĂ©es en rang Ă  Lachesis et, aprĂšs avoir pris sur ses genoux un grand nombre de destins et de modĂšles de vie, procĂ©da au tirage au sort, avertissant que chacun serait responsable de son choix et que personne ne serait favorisĂ© puisque mĂȘme ceux qui avaient choisi aprĂšs le premier auraient eu de plus en plus de paradigmes de vie que ceux qui devaient encore choisir.

Er raconta alors comment les ùmes se trompaient de choix : par exemple, une ùme qui était venue du ciel et qui n'avait été vertueuse que par habitude, ayant vécu dans une ville bien gouvernée, avait choisi à la hùte la vie de tyran pour s'en rendre compte ensuite, reprochant son mauvais sort, comment cela était plein de douleur. Les ùmes d'en bas, d'autre part, avaient appris de leurs expériences terrestres et avaient choisi avec un plus grand jugement. La plupart d'entre eux, cependant, ont choisi de suivre leur mode de vie antérieur : mais pas tous. Par exemple, si Agamemnon avait choisi de vivre comme un aigle, Ulysse, las des aventures risquées, avait préféré la vie de n'importe quel homme tranquille.

61PAenc4x-L._AC_SL1024_
Arnold Böcklin, "Ulysse et Calypsos"

AprĂšs avoir fait son choix, chaque Ăąme recevait de Lachesis le "daimon", le gĂ©nie tutĂ©laire, qui veillerait Ă  ce que la vie choisie soit accomplie; donc l'Ăąme devait aller Ă  Clotho pour confirmer son destin et enfin Ă  Atropos qui le rendait immuable. Les Ăąmes traversĂšrent alors la plaine dĂ©serte et chaude du LĂ©thĂ©, et, s'arrĂȘtant pour se reposer sur les rives du fleuve Amelete ("riviĂšre de l'oubli"), tous, sauf Er, Ă©taient obligĂ©s de boire l'eau qui donne l'oubli et ceux qui n'Ă©taient pas sages en buvaient sans modĂ©ration. Quand vint la nuit, les Ăąmes dormaient quand Ă  minuit un tremblement de terre les jeta dans une nouvelle vie avec Er qui, rĂ©veillĂ© sur le bĂ»cher funĂ©raire, put raconter son expĂ©rience dans l'au-delĂ .

LIRE AUSSI  Le fruit de l'infini : Méditations sur Vénus, la pomme et la figue

Le hasard n'assure pas un choix heureux, alors que le passĂ© de la derniĂšre rĂ©incarnation pourrait ĂȘtre dĂ©cisif. Choisir, dans la vision platonicienne, signifie en effet avoir une conscience critique de son passĂ© pour ne plus commettre d'erreurs et avoir une vie meilleure. Let Moire rendra alors immuable le choix de la nouvelle vie : en effet, une fois le choix fait, aucune Ăąme ne pourra en changer et sa vie terrestre sera marquĂ©e par la nĂ©cessitĂ©. Les Ăąmes se dĂ©saltĂ©reront avec les eaux du fleuve LĂ©thĂ©, mais ceux qui l'auront fait de façon dĂ©mesurĂ©e oublieront la vie antĂ©rieure, tandis que les philosophes, qui guidĂ©s par la raison n'ont pas ou peu bu, garderont le souvenir de l'hyperuranium. afin que, s'y rĂ©fĂ©rant, ils puissent approfondir leurs connaissances au cours de la nouvelle vie inspirĂ©s et guidĂ©s par leur "daimon".

GRC0050820__90251.1540120586
Gustavo Doré, "Dante dans l'Empire"

Le char ailé et le mythe d'Eros

Le mythe du char et du conducteur de char ou le mythe du char ailĂ©, racontĂ©e dans le "PhĂšdre" de Platon, sert Ă  expliquer la thĂ©orie platonicienne de la rĂ©miniscence de l'Ăąme, un phĂ©nomĂšne qui, lors de la rĂ©incarnation, produit des souvenirs liĂ©s Ă  la vie antĂ©rieure. Il parle d'un char sur lequel se tient un aurige, personnification de la partie rationnelle ou intellectuelle de l'Ăąme (logistique [λογÎčστÎčÎșόΜ]). Le char est tirĂ© par une paire de chevaux, un blanc et un noir : le blanc reprĂ©sente la partie de l'Ăąme douĂ©e de sentiments de nature spirituelle (thymoeides [ÎžÏ…ÎŒÎżÎ”ÎčΎές]), et se dirige vers le monde des IdĂ©es ; le noir reprĂ©sente la partie dĂ©sirante de l'Ăąme (Ă©pithymĂ©tikĂČn [ጐπÎčΞυΌητÎčÎșόΜ]) et se dirige vers le monde sensible. Les deux chevaux sont tenus par les rĂȘnes par la raison, qui ne se dĂ©place pas indĂ©pendamment mais n'a que la tĂąche de guider.

Selon Platon, l'ùme doit toujours se diriger vers l'hyperuranium, afin de connaßtre l'essence de la réalité, qui est la mimesis du monde des idées. Dans le "Symposium" nous retrouvons le mythe d'Eros, fils de PenÏa et Poros, qui représente l'esprit vital qui est le fondement et l'énergie de l'ùme et du "logos". Eros est ce qui meut et anime le conducteur de char du mythe du char ailé raconté dans le « PhÚdre ». PenÏa représente la pauvreté, tandis que Poros représente l'ingéniosité.

"Par consĂ©quent, en tant que fils de Poros et de PenĂŹa, Love se trouve dans cet Ă©tat : en premier lieu, il est toujours pauvre et tout sauf tendre et beau, comme la plupart le croient, en effet il est dur, sans instruction, toujours pieds nus et sans domicile, et se couche sur la terre nue, dormant dehors devant les portes et dans les rues selon la nature de sa mĂšre, et toujours accompagnĂ© de pauvretĂ©. Par contre, du cĂŽtĂ© de son pĂšre, il sape le beau et le vertueux, car il est brave et audacieux et vĂ©hĂ©ment, et un chasseur avisĂ©, toujours prĂȘt Ă  ourdir des intrigues, avide de sagesse, riche en ressources, et toute sa vie amoureux du savoir, magicien ingĂ©nieux, charmeur et sophiste; et il n'est nĂ© ni immortel ni mortel, mais en une heure du mĂȘme jour il s'Ă©panouit et vit, si la chance est propice, en une autre il meurt, puis renaĂźt en vertu de la nature de son pĂšre, et ce qu'il acquiert lui Ă©chappe toujours loin, de sorte que l'Amour n'est jamais pauvre ou riche, et d'autre part est au milieu entre la sagesse et l'ignorance. "

- Platon, "Symposium"

Eros vise le monde des idĂ©es, la connaissance d'un hyperuranium qui est Ă©loignement et reprĂ©sentation de l'esprit mĂȘme de l'homme. ConnaĂźtre le monde des idĂ©es et tout ce qui est au-delĂ  des cieux et de tout univers, c'est se connaĂźtre soi-mĂȘme.

hamill-lalita.platos-cave.oil_.4ftx6ft
Une réinterprétation moderne du mythe de la grotte platonicienne, par le peintre Hamill Lalita

Vivez le mythe et connaissez-vous aujourd'hui

C'est ce qui ressort, aujourd'hui comme alors, d'une lecture attentive des mythes platoniciens. À ce stade, nous nous demandons automatiquement : comment se connaĂźtre aujourd'hui ? Quels mythes de notre Ă©poque peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des "mises Ă  jour" valables de ceux Ă©crits par les plus grands philosophes et chanteurs grecs, il y a plus de deux mille ans ?

dans littĂ©rature fantastique, croyons-nous, le dĂ©sir naturel de l'homme pour la crĂ©ation mythopoĂ©tique peut ĂȘtre trouvĂ©; et cette crĂ©ation est strictement liĂ©e Ă  la capacitĂ© des auteurs Ă  rendre les Ă©vĂ©nements mythiques sous une forme poĂ©tique ou littĂ©raire des reprĂ©sentations inconscientes d'eux-mĂȘmes que le "daimon" respectif leur a destinĂ©es au moment de la rĂ©incarnation dans le plan sublunaire.

La littérature du Fantastique au complet, la Fantaisie et le "sword & sorcellerie" racontent des mythes, "canalisés" par des écrivains tels que Robert E. Howard, Clark Ashton Smith, CL Moore et le plus récent Michael John Moorcock qui ne sont que des perceptions. extatique de la faculté imaginative humaine, de l'esprit de l'homme qui anime chacune de ses oeuvres, cet Eros du "Symposium" platonicien, ce conducteur de char qui cherche désespérément l'hyperuranium et conduit le char ailé vers le ciel, et depuis le ciel au-delà de l'infini.

« Veux-tu venir avec moi en Atlantide ? LĂ , le long des rues de marbre jaune et bleu, nous descendrons jusqu'aux jetĂ©es d'orichalco et choisirons une galĂšre avec les voiles de soie tyrienne et la figure de proue dorĂ©e reprĂ©sentant Eros. Avec les marins qui ont connu Ulysse et les beaux esclaves Ă  poitrine d'ambre, venus des vallĂ©es montagneuses de la LĂ©murie, nous lĂšverons l'ancre pour des Ăźles inconnues et fortunĂ©es de la mer extĂ©rieure ; jusqu'Ă  ce que, naviguant dans le sillage d'un coucher de soleil d'opale, nous perdions cette ancienne terre dans le crĂ©puscule du lait, et sur des canapĂ©s de satin et d'ivoire, nous verrons se lever des Ă©toiles inconnues et des Ă©toiles mortes. Nous ne reviendrons peut-ĂȘtre pas, mais nous suivrons l'Ă©tĂ© tropical d'une Ăźle alcyon Ă  l'autre, sur les mers amarantes du mythe et du conte de fĂ©es; nous mangerons des lotus, fruits de terres qu'Ulysse n'a pas vues mĂȘme en rĂȘve, nous boirons les vins clairs des fĂ©es distillĂ©s sous l'Ă©ternel clair de lune. Je te trouverai un collier de perles roses et un de rubis jaunes, je te mettrai une couronne de coraux prĂ©cieux semblables Ă  des fleurs de sang. Nous errerons dans les marchĂ©s des citĂ©s perdues faites de jaspe et dans les ports de cornaline au-delĂ  du Cathay ; Je t'achĂšterai une robe bleu paon avec des damas d'or, de cuivre et de vermillon, et une robe noire de shamite avec des runes orange, tissĂ©e par magie, sans l'aide de tes mains, dans une terre sombre de filtres et de sorts. "

- Clark Ashton Smith, "Extrait d'une lettre"

la-capitale-atlante-telle-que-decrite-la-bibliotheque-de-photos-mary-evans
Mary Evans, "L'Atlantide telle que décrite par Platon"

12 commentaires sur "Le Mythe et le Logos : la sagesse grecque dans les mythes platoniciens »

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont marqués *